Les droites radicales en Europe et en France – Un dossier CAIRN Info
« En temps de crise les partis populistes ont tendance à attirer davantage les citoyens », remarque le politologue belge Anthony Ricotta, et l’épisode de la pandémie de COVID-19 n’a pas dérogé à la règle. Dans la Revue internationale de politique comparée, il analyse la manière dont le Rassemblement national en France (RN) et le Vlaams Belang (VB) en Belgique ont exploité la crise. Pour ce faire, il a étudié à la fois leurs interventions au Parlement et les tweets que ces partis ont diffusés, de mars 2020 à septembre 2021.Les droites radicales en Europe et en France.
Les sociologues ont tendance à préférer la notion de droite radicale à celle d’extrême droite, pour souligner le fait que contrairement au nazisme et au fascisme les partis qui la représentent restent dans le cadre du régime parlementaire démocratique. La notion d’extrême droite conserve sa valeur, en revanche, quand il s’agit de désigner certains aspects de l’idéologie qui sous-tend ces partis et plus encore une galaxie de formations dont beaucoup ne rentrent pas dans le jeu électoral. En raison de l’hétérogénéité de cette mouvance politique, les spécialistes parlent volontiers de droites radicales ou d’extrêmes droites au pluriel.
La droite radicale progresse dans le monde depuis le milieu des années 1980. Notre dossier se concentre sur l’Europe et la France. Un premier article décrit la « matrice idéologique » de ces partis, qui selon l’auteur se structure en trois composantes principales : le nativisme, l’autoritarisme et le populisme. L’électorat est plus masculin que féminin et se recrute principalement entre 30 et 60 ans. À l’ouest il se caractérise par « un faible capital culturel », ce qui n’est pas le cas dans les anciens pays du bloc soviétique. Dans ces pays la droite radicale est aussi beaucoup moins méfiante à l’égard des institutions qu’en Europe de l’ouest.
Le second article montre la façon dont en France et en Belgique la droite radicale a exploité la crise du COVID, en se référant paradoxalement au respect de valeurs auxquelles on lui reproche de ne pas être attachée : la démocratie, les libertés fondamentales, l’État de droit, le rejet de l’autoritarisme, de l’arbitraire et d’une « société de surveillance ».
En analysant les sites Web français, le troisième article détaille la galaxie des formations qui, sans intervenir forcément dans le jeu électoral, véhiculent les valeurs de l’extrême droite, dans un style souvent beaucoup plus brutal que le discours des partis.
Les composantes idéologiques de la droite radicale
Gilles Ivaldi
Le progrès de la droite radicale s’observe dans une bonne partie du monde depuis le milieu des années 1980. Ce n’est donc pas un phénomène spécifiquement européen, mais il touche désormais tous les pays d’Europe sans exception. Dans la revue Matériaux pour l’histoire de notre temps, le politologue Gilles Ivaldi, après avoir justifié l’emploi de cette notion de « droite radicale » plutôt que celle d’« extrême-droite », en décortique la « matrice idéologique » et les « ressorts », en montrant aussi la relative hétérogénéité et les différences sensibles qui distinguent les pays de l’ouest européen de ceux de l’ancien bloc soviétique.
Dans un premier temps le succès de partis comme le Front national français ou le Vlaams Blok flamand en Belgique a été interprété comme une résurgence du fascisme, mais le fait que ces droites dites extrêmes aient tenu à « demeurer dans le cadre du régime démocratique parlementaire et de ses institutions » a conduit les sociologues politiques, notamment américains, à préférer la notion de « droite radicale » à celle d’« extrême droite ». L’enquête sociale européenne permet d’en préciser les contours (9e vague, 2018).
Au plan idéologique, résume Ivaldi, la droite radicale européenne « se structure autour de trois composantes principales : le nativisme, l’autoritarisme et le populisme ».
Le nativisme en est « le noyau central ». Il exprime « la construction symbolique d’une communauté culturellement homogène dont il s’agit de préserver l’intégrité contre toutes les menaces extérieures, au premier rang desquelles l’immigration et l’islam ».
L’autoritarisme se traduit par trois caractères : « l’obéissance aux autorités et le respect de l’ordre public […], l’agression […] à l’encontre des groupes […] perçus comme « déviants » […], une « adhésion aux normes […] et aux traditions établies ». C’est en ce sens que la droite radicale peut être dite « illibérale » » [lire à ce sujet notre dossier sur les démocraties illibérales].
Le populisme, lui, oppose [à droite comme à gauche, NDLR] « un peuple “vertueux” à des élites repliées sur elles-mêmes et “corrompues” » et en appelle à « la démocratie directe » [lire à ce sujet notre dossier sur le populisme].
Au-delà de ces constantes, la droite radicale européenne n’en est pas moins « hétérogène ». « Il n’existe pas de “portrait type” de ses électeurs » – surtout si l’on fait la comparaison entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale.
Son électorat est partout plus masculin que féminin et « trouve l’essentiel de ses soutiens dans les classes d’âge intermédiaire » (entre 30 et 60 ans). Mais alors qu’à l’ouest un « plus faible capital culturel » (souvent associé au sentiment « d’avoir du mal à s’en sortir ») joue un rôle essentiel, il n’en va pas de même dans les pays de l’ancien bloc soviétique, où « le niveau de diplôme n’a pas d’effet notable ». Dans ces pays ce vote est « fortement arrimé aux valeurs religieuses », ce qui est beaucoup moins le cas à l’ouest.
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Gilles Ivaldi est chargé de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF). Il a publié De Le Pen à Trump : le défi populiste, Université de Bruxelles 2019.
La crise du COVID-19 a servi de levier
Anthony Ricotta
Lorsque les partis de droite radicale français et flamand « déclarent être les défenseurs des libertés fondamentales des citoyens, il apparaît clairement que ces libertés doivent principalement – voire exclusivement – bénéficier aux natifs français ou flamands », souligne Anthony Ricotta. Ci-dessus, Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang, tient une pancarte avec le slogan : « Accueillants mais pas fous ». / CC2.0, Vlaams Belang.
« En temps de crise les partis populistes ont tendance à attirer davantage les citoyens », remarque le politologue belge Anthony Ricotta, et l’épisode de la pandémie de COVID-19 n’a pas dérogé à la règle. Dans la Revue internationale de politique comparée, il analyse la manière dont le Rassemblement national en France (RN) et le Vlaams Belang (VB) en Belgique ont exploité la crise. Pour ce faire, il a étudié à la fois leurs interventions au Parlement et les tweets que ces partis ont diffusés, de mars 2020 à septembre 2021.
Anthony Ricotta est doctorant et chercheur à l’Université catholique de Louvain
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Sylvie Ayimpam (19 juillet 2024). Les droites radicales en Europe et en France – Un dossier CAIRN Info. Régulation violence incertitude. Consulté le 5 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/122db